jeudi 23 mai 2013

RECTIFICATIF sur la rencontre avec Rudy Ricciotti

Librairie Préambule / Bar du XXe siècle
Rencontre avec
 Rudy Ricciotti

L'architecture est un sport de combat


Ce samedi 25 mai à partir de 18 h (et non 11h) au bar du XXe siècle, 17 av. Victor Hugo - Cassis
Ce rectificatif est l'occasion de vous faire lire ce portrait publié dans le quotidien Le Monde
Images intégrées 1
L'actualité s'y prête : exposé – c'est bien le mot – à la Cité de l'architecture de Paris jusqu'au 8 septembre, Rudy Ricciotti est aussi le sujet d'un documentaire de Laetitia Masson (Rudy Ricciotti. L'Orchidoclaste) et le signataire d'un tout récent pamphlet (L'architecture est un sport de combat, aux éditions Textuel). Architecte du département des arts de l'islam, au Louvre, il achève la construction du Mucem a Marseille et du futur stade Jean-Bouin, à flanc du Parc des Princes à Paris.

"Le Grand Prix national d'architecture en 2006 est surtout l'auteur du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), établissement national qui doit être inauguré, le 7 juin, en bordure du port à Marseille. "Trois événements qui se superposent : ça crée un tressage asymptotique", commente-t-il, d'emblée. Chez Ricciotti, qui est aussi ingénieur, la mathématique n'est jamais loin.
"Pour recevoir le journaliste parisien, ce jeune sexagénaire, pantalon et chemise sombre de toile légère, mine bronzée et tignasse foisonnante, a chaussé des chaussures en cuir bicolores. Plus mafioso que joueur de golf. Cliché du Nord sur le Sud. Une vision qui le hante et qui pourrait venir d'Italie, dont sont issus ses parents ainsi que son nom que, contre toute attente, il prononce souvent à la française : "Rissiotti".
Chez lui, la question du "racisme cognitif" est récurrente : "Que de parler avec un accent prononcé entraînerait, de fait, une perte de substance critique. C'est inacceptable. Je ne peux être que suspect ou caricatural." Mais il apprécie aussi que face à ses prestations publiques, plutôt courues, "les gens puissent rire de soulagement". Que lui-même se fasse sourire ? "Evidemment." Ses confrères lui reprochent d'être trop médiatique, il leur répond que "c'est parce que, eux, n'ont rien à dire."
 "LÂCHETÉ DE LA DISTANCE"
Rudy Ricciotti dit avoir "l'usage des mots", et encore davantage celui de l'écriture. Il a "surtout, précise-t-il, l'incroyable vulgarité de dire ce qu'[il] pense". On s'interroge sur l'origine de ce plaisir fou à dire et à écrire. "Les mots ne sont pas l'expression d'une pathologie médicale." Pas de "névrose", "vie amoureuse normale", "trois fois grand-père" et "patron qui a créé 30 emplois dans un village au trou du cul du monde". Tout juste admet-il que ce "goût de la langue française est peut-être compensatoire de cette période de silence, enfant dans l'extrême solitude", en Camargue, planté entre un canal et un étang. "Ce déficit de contact visuel aurait pu faire de moi un autiste."
Suspecté par certains de complaisance envers sa propre éloquence, l'homme ne détourne pas le regard. Ses combats, puisqu'il s'agit de cela, ce bâtisseur affirmé les livre contre deux adversaires : d'un côté, l'hyper-réglementation, "qui fait que l'on n'arrive plus à construire" ; de l'autre, le minimalisme, un terme qu'il s'interdit d'utiliser parce qu'il veut "échapper à la lâcheté de la distance."
S'il était boxeur, Rudy Ricciotti appartiendrait à la catégorie des puncheurs, voire des esquiveurs, mais pas à celle des encaisseurs. Trop anxieux, trop impatient. C'était, à sa manière, la particularité de l'enfant terrible britannique, le poète Arthur Cravan (1887-1918), annonciateur de Dada, que l'architecte aime et cite tant.
"Tout grand artiste a le sens de la provocation", professait ce solide gaillard avant d'organiser, le 23 avril 1916 à Madrid, son propre combat de boxe contre le champion du monde, Jack Johnson, qui le mit KO au 6e round. La beauté du non-geste, en quelque sorte.
Ce non-geste, Rudy Ricciotti l'a initié et radicalisé à Vitrolles où, en 1994, il signe le Stadium, salle de spectacles et salle de sports. Un bloc de béton, coulé en œuvre, constellé de points de lumière, échoués parmi les boues rouges d'un crassier. Depuis 1999, l'extrême droite ayant pendant un temps pris les rênes de la ville, le bâtiment ne respire plus. Avec le Stadium, qui le fit connaître d'un plus grand nombre, Rudy Ricciotti voulait faire "le procès de l'esthétisation".
 "SYNTHÈSE DES SAVOIRS"
"Ça a été un pavé dans la mare politique, rappelle Patrice Goulet. Le monolithe était la seule réponse possible." Le critique d'architecture a été l'un des premiers à faire découvrir Rudy Ricciotti, en 1991, lors de l'exposition qu'il coorganisa avec l'Institut français d'architecture : 40+40 architectes de moins de 40 ans. Le Stadium, poursuit-il, "a aussi été la première architecture comme œuvre d'art. C'est forcément l'art qui influence sa radicalité".
"Aujourd'hui, la beauté est suspecte, le récit est suspect, la figure est suspecte", râle Rudy Ricciotti. Radical dans les années 1990, son travail devient "de plus en plus maniériste, et non pas maniéré", tient-t-il à préciser. "En archi, le courant maniériste, ça n'existe pas. Je suis, à 60 ans, dans la synthèse des savoirs; la superposition des métiers: l'archi, l'ingénieur, le coffreur, le ferrailleur..." Les savoirs conjoints du chantier dont il s'est fait le chantre. Et toujours le béton, dont la nature, revendique-t-il, "permet un niveau de développement d'emplois territorialisés et non délocalisables".
Dans cette histoire de passion à construire local, la société Lafarge, soutien de l'exposition à la Cité, occupe une position majeure. Grâce à son fils Romain, un ingénieur de haut vol qui lui permet d'affiner ses expérimentations, Rudy Ricciotti a su tirer le meilleur profit des bétons à ultra-hautes performances. Dont le Ductal, produit par le n° 1 mondial des cimentiers.
Ricciotti, complice ? Patrice Goulet en doute : "Quand on veut sortir des moules académiques d'une époque, il faut une arme qui vous avantage. L'approfondissement d'une technique est un bon moyen. Il a été très malin d'investir cette voie." Ce que dit l'intéressé : "Lafarge me suce les baskets. Ils font de la com'à tire-larigot sur mon travail. Je ne leur dois rien." Ainsi est Ricciotti.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire