Dans ce billet, je me propose de monter un petit dossier sur une de mes dernières grosses claques reçues par une série, en l'occurrence l'hypnotique Northlanders, bébé de Brian Wood, qui démontre une nouvelle fois, si besoin en était, l'excellence du label Vertigo. Je ne suis pas un expert (loin de là) de l'oeuvre de Brian Wood et pour restituer la place de Northlanders dans sa bibliographie, je préfère vous renvoyer à une vidéo du célèbre duo d'Arkham Comics. Comme le hasard fait bien les choses, c'est grâce à cette vidéo que je me suis décidé à acheter mon premier tome de Northlander, qui plus est dans leur magnifique librairie rue Broca à Paris.
Un petit avertissement, les tomes que je vais vous présenter sont uniquement parus en version originale. Pour être plus exact, Panini avait en son temps sorti deux tomes autour du personnage de Sven, avant qu'Urban ne récupère les droits de DC (et donc du label Vertigo). La filiale de Dargaud ne s'est toujours pas décidé à l'annoncer en vf mais aux yeux de l'évolution de leur catalogue (fin des séries 100 Bullets, DMZ et Scalped probablement dans l'année) ne soyez pas surpris si Urban ne se décide finalement à le publier. Autre avertissement pour les futurs lectrices et lecteurs de Northlanders, une des spécificités de la série est que les tomes ne se suivent pas, et donc libre à vous d'entrer dans le monde des Northmen à n'importe quelle numéro, selon la thématique qui vous sied le plus. Northlanders ne s'apprécie donc pas comme une grande fresque unifiée sur les Vikings, mais plutôt comme une mosaïque sur cet univers particulier, structure narrative qui respecte justement une culture caractérisée par le nomadisme marin et donc la pluralité, le morcellement. Il était au contraire bien plus intéressant de varier les angles d'approche, que ce soit dans les périodes ou les sphères géographiques, pour tirer la quintessence d'une thématique bien plus complexe que la simple évocation du bourrin qui débarque de son drakkar.
Norhlanders book 1 : Sven the Returned.
Dessins de Davide Gianfelice
contient Northlanders #1-8
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Northlanders book 2 : The Cross + The Hammer
Dessins de Ryan Kelly
contient Northlanders #11-16
Ce deuxième volume est construit autour du deuxième arc de Northlanders après trois épisodes one-shots. Il est ici question de la cavale sanguinaire d'un rebelle connu sous le nom de Magnus, traqué par l'émissaire du nouveau roi d'Irlande. Autour de cette chasse à l'homme dans la campagne irlandaise, se joue plusieurs intrigues : l'attachement maladif d'un homme à sa fille, l'aveuglement démentiel pour une cause juste, la notion d'honneur et de résistance. Encore une fois le récit est particulièrement sombre et violent, l'hémoglobine s'invite dans quasiment toutes les pages. Avec Magnus, nous avons une sorte de synthèse entre William Wallace et John Rambo, un résistant prêt à tuer tout ce qui se trouve sur son chemin, quitte à faire basculer l'ensemble de la région dans la folie. Si des thèmes forts sont abordés, ce récit est surtout brillant par sa construction, et l'on se demande jusqu'où Brian Wood compte nous emmener. Tout se joue dans un puissant final qui vous donne la chair de poule, et vous permet de reconsidérer toutes les pages que vous venez de lire. Waou... Au niveau du dessin, c'est là aussi très très bon, dans ce qui est à mon avis, un des volumes les mieux illustrés de la série.
Northlanders book 3 : Blood In The Snow
Dessins de Dean Ormston, Vasilis Lolos, Danijel Zezelj, Davide Gianfelice
contient Northlanders #9,10, 17-20
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Northlanders book 4 : The Plague Widow
Dessins de Leandro Fernandez
contient Northlanders # 21-28
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Northlanders book 5 : Metal and other stories
Dessins de Fiona Staples, Riccardo Burchielli et Becky Cloonan
contient Northlanders #29-36
Encore une fois ce tome est passionnant. Parlons tout d'abord du gros morceau qu'est Metal et qui occupe cinq des huit numéros compilés. Il sera à nouveau de question de conflit interreligieux, lorsque un forgeron norvégien reçoit un message de la déesse Hulda qui lui intime de prendre les armes et de dérouiller tout ce qui ressemble de près ou de loin à un chrétien. Metal parle aussi d'amour, puisque notre forgeron sauve une prisonnière albinos, héritière de traditions chamaniques. L'arc rappelle un peu la traque du deuxième tome, mais la tonalité diffère. Notre héros ici est une sorte de Conan christianophobe sous champi hallucinogènes, et la "quête" tient autant du délire sous acide que d'une dramatique fuite en avant. Toujours est-il que l'histoire est vraiment jouissive, et que rarement Brian Wood n'aura flirté avec le fantastique jouant finement avec l'ambiguïté introduite par les substances psychotropes. Les deux autres récits, plus courts sont aussi très intéressants. Pour une fois, Wood décide de s'attarder sur l'aspect aventurier de ces marins de l'impossible autour de la découverte du Groenland, qui rappelle (un peu) l'atmosphère du film Valhalla Rising, mais en plus bavard. L'histoire qui conclut le tome est plus poétique et mélancolique, autour de la découverte par un vieil homme d'une jeune femme emprisonnée dans la glace des montagnes islandaises. Rien à dire sur les dessins, on est dans la note.
Northlanders book 6 : Thor's Daughter and other stories
Dessins de Marian Churchland, Simon Gane et Matthew Woodson
contient Northlanders #37-41
Le sixième volume signale le retour des récits courts. La première histoire, en trois parties, a pour cadre le siège de Paris de 885 par les Vikings. Brian Wood démontre encore qu'il est très à l'aise pour dépeindre l'absurdité de la guerre, et sur ses conséquences dans les psychés humaines. Efficace dans les scènes attendues (scènes de bataille, vie difficile dans les tranchées, incompréhension des manœuvres politiques), le récit est surtout transcendé par un final encore une fois parfait où Wood caractérise magnifiquement l'obsession humaine. Les deux autres one-shots sont un ton en dessous. Le premier orchestre une nouvelle scène de chasse, mais cette fois-ci entre un chasseur et un cerf, et sur la solidarité qui lie les deux êtres dans un environnement hostile. C'est bien ficelé, mais sans plus. Idem pour le pourtant alléchant "Thor's Daughter" qui parle là-encore d'une femme mise devant le fait accompli et devant affronter un univers masculin. C'est un poil trop attendu et Birna est moins intéressante que les précédents personnages féminins que Wood avait pu construire.
Northlanders book 7 : The Icelandic Trilogy
Dessins de Paul Azaceta, Declan Shalvey et Danijel Zezelj
contient Northlanders #42-50
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Nous tenons bien avec Northlanders une série majeure, un chef d'oeuvre d'écriture, d'intelligence narrative, de finesse thématique. Il est vrai que j'appuie souvent sur ce point, alors autant préciser que Brian Wood n'oublie jamais qu'il a entre les mains un de peuples les plus guerriers de l'histoire occidentale. Northlanders brille tout autant par ses scènes d'actions à la violence brute qui satisferont tous les fans de décapitation sauvage et autres démembrements. Certes, certains récits sont parfois moins intéressants que d'autres, mais l'ensemble frôle le sans-faute. Pour les Voistes, aucune hésitation à avoir. Pour les autres, mettez-vous sérieusement à l'anglais, ou commencer à réclamer ce bijou à Urban Comics.
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