samedi 5 mai 2012

Bilan d'un crossover Marvel : Fear Itself

Allez, on va continuer dans la thématique du comics, en suivant un petit peu plus l'actualité française, puisqu'en ce début de mois de mai, vient de sortir le dernier fascicule du crossover annuel de Marvel, Fear Itself. Un moyen de se faire un avis définitif et de juger le travail d'un Matt Fraction sous les feux de la rampe, récemment auréolé du statut d'"architecte Marvel". 

Revoyons un petit peu le pitch de Fear Itself. Le Dieu de la Peur d'Asgard, le Serpent, se réveille, bien déterminé à récupérer son bien et détrôner son frère honni, Odin. Pour se faire il s'appuie sur Sin, fille de Crâne Rouge, qui devient rapidement Skadi après avoir pris en main un marteau forgé par le Serpent et qui fait d'elle une déesse. Le plan est simple, convertir sept gros bourrins avec ces mêmes marteaux (qui renferment chacun l'âme d'un Dieu destructeur), et lâcher une armée de robots nazis (toujours efficaces les nazis pour foutre les chocottes) sur la côte Est des USA. Odin, plutôt fataliste pour le père des Dieux à la tête d'une des plus grosses armées mobilisables, décide d'abandonner la Terre à son sort. Thor se rebelle immédiatement et file à la rescousse de cette bonne vieille Misgard, suivant la destinée d'une funeste prophétie. Voilà pour le pitch initial, qui fonctionne plutôt bien sur le papier. Dieu de la Peur + Fille folle et néonazie + Héros en Dieux destructeurs (Hulk, la Chose, le Fléau) + robots nazis, c'est quand même la classe. 


Alors comment est-ce que ça se concrétise dans la durée ? Mal. Oui, autant l'écrire tout de suite pour éviter tout suspense inutile. Fear Itself, c'est pas que c'est pas bon, c'est que c'est quand même très très mauvais. Le problème vient déjà du titre en lui-même, mensonger ou exagérateur. Jamais on ne ressent la Peur en tant que force abstraite et métaphysique qui diviserait nos héros tout en instillant le doute. Jamais. Il ne suffit pas d'écrire "jamais autant de personnes se sont suicidés", "mouvements de panique dans gnagnagna", pour communiquer ce type d'émotion. Il faut que les protagonistes soient baignés dans cette peur, s'en imprègnent, soient paralysés jusqu'au dernier sursaut héroïque  qui la dépasse. Là non, ils sont tranquilles. Certes, ils mangent quand même un petit peu, mais rien de plus que d'habitude. La psychologie des héros Marvel est assez simple, que ce soit des extra-terrestres, des Dieux, des grands méchants, pas de souci, ils vont toujours à la cogne. Et ne comptez pas sur les tie-ins (ces récits annexes des différentes séries impliquées dans l'event) pour combler les manques nécessaires d'un récit qui doit aller vite, et faire dans le spectaculaire. De ce que j'ai pu lire, ceux qui s'en sortent le mieux dans Fear Itself, sont les écrivains qui ont plutôt décidé d'ignorer ce qui se passait dans l'event principal, et de ne garder ça que comme vaste contexte. Technique un peu bizarre pour coller à un event, mais le pire, c'est que ça marche, comme chez les Thunderbolts de Parker. Quand on voit le marasme des Vengeurs de Bendis, on comprend aussi que ça n'a pas forcément passionné tout le monde. 

Les crossovers sont généralement assez scriptés : présentation des enjeux, premiers combats, le Mal l'emporte, quelqu'un meurt, résistance héroïque, renversement inattendu, victoire. Voilà, Fear Itself c'est à peu près ça aussi. Sauf que vous pouvez rajouter un deuxième mort à la fin (pas de Spoil, ne vous inquiétez pas). La mort des superhéros fait souvent débat dans les crossover. C'est un artifice finalement difficile à utiliser, parce que si la mort est mal amenée, le retour de bâton est assez violent. Et c'est le cas ici. Parlons donc de la mort de Bucky Barnes, en plein milieu de l'event, achevé par Sin/Skadi prenant son pied à se faire un Captain America. Bon, et bien il est mort... et je dirais qu'on s'en fout un peu. C'est vrai qu'à la base ce personnage ne me passionne pas plus que ça, mais là ça frise l'anodin. Sérieux Matt, fais-lui faire un truc un peu classe avant de le buter. Le martyr ou le sacrifice, ça a un peu plus de gueule, non ? Après, oui, je sais qu'on s'en fout que Bucky soit mort, parce que dans six numéros tout au plus, on apprendra qu'en fait il est juste blessé. Et dire que Marvel nous aura servi après la mort de Bucky, le couplet de la veuve noire (via les Secret Avengers) pour nous expliquer que c'est vachement triste et douloureux d'être un héros qui meurt jamais. En termes de ridicule, on atteint un joli niveau. Pour le deuxième mort dont je tairai le nom (mais il restera pas mort longtemps de toute façon), là encore, on est à la conclusion de l'event, on est en droit d'attendre un peu d'émotion et de solennité. Mais non ! Fraction conclue ça assez vite, fait presque lâcher une petite vanne par Spidey au passage (presque j'ai dit, hein), et finit sur une scène de voisinage où tout le monde fait copain/copain ! La Peur incarnée est venue sur terre, le monde a échappé à un IVème Reich, et la leçon retenue par l'humanité c'est de prêter sa tondeuse à gazon à son nouveau pote ? What the Fuck !! Il y avait peut-être une symbolique plus pertinente à exploiter.

En fait c'est un peu ça le problème de Fear Itself : c'est que l'event ne sert à rien. Strictement à rien. Fraction a beau enchaîner ses chapitres, on est jamais vraiment impliqué dans le scénario. Cette histoire de prophétie nous passe par-dessus la tête, comme l'essentiel de ce que font les héros. La résolution finale elle-même ne fonctionne pas très bien. Iron-Man fait forger des armes, bénies par Odin, pour les donner à tous ses amis vengeurs qui fracassent l'armée du Serpent. Ce qui est sensé faire classe, fait au final un peu peine, surtout si l'on a en tête la fameuse double page des White Lanterns dans Blackest Night. Iron-Man aurait pu donner des sabres lasers ou des pistolets à eau, ça revient au même, puisque de toute façon c'est Thor qui a l'épée qui tue. Voilà peut-être un souci de Fear Itself, l'essentiel des héros ne sert que de faire-valoir à une intrigue pas super solide. Même chose pour les héros convertis ou possédés. On ne les voit quasiment jamais, surtout les pas connus (le Français, l'Atlante). On peut se poser la question du coup commercial pour réserver telle menace à un héros en particulier (au hasard, Namor pour l'Atlante), mais là aussi ces destructeurs ne sont que des bouche-trous, qui ne sont jamais impliqués au coeur des enjeux, a contrario de Skadi et du Serpent. Ce qui pose problème a posteriori, c'est la facilité avec laquelle ce bordel aurait pu être résolu, de manière logique. Mais bon, la logique et Marvel en ce moment ... Généralement, un crossover inaugure une nouvelle période de statu quo, une nouvelle ère avec de nouveaux rapports de force. Je me demande vraiment ce qui sera impacté. A priori, pas grand chose. Dommage, Secret Invasion avait amené Dark Reign, Siège l'Heroic Age, et on pouvait peut-être espérer cela de Fear Itself, qui n'aura qu'un épilogue, Fearless, pour se diluer dans la continuité des séries habituelles. Tout ceci confirme effectivement le caractère anecdotique de l'ensemble. 

Il serait peut-être temps de conclure. Vous aurez compris, Fear Itself, c'est nul, archi-nul, c'est encore plus nul que Secret Invasion. Faut faire fort, pour s'ennuyer à ce point pendant tout un crossover (dire que je l'ai longtemps défendu en attendant vainement le sursaut salvateur...). Et comme quoi, même si Immonen aura tout fait pour délivrer un dessin souvent très réussi, c'est l'écriture qui prime sur l'illustration. Et quand on pense que Fraction est supposé être un des ténors de la Maison des Idées... Enfin, voilà la cuvée Marvel 2010/2011 n'aura pas été super, a contrario de DC (Brightest Day, Flahspoint, autrement mieux foutus). Attendons le Avengers vs X-Men qui s'annonce autrement plus épique.  




PS : j'édite le message pour rectifier une de mes erreurs. Vraisemblablement, l'aftermath de Fear Itself, Fearless est plus conséquent que prévu. Six fascicules sont a priori prévus chez Panini. A titre personnel, je n'en achèterai aucun, car l'event ne m'a, comme vous l'aurez compris, pas trop passionné. De plus je trouve soit consternant, soit révélateur, qu'un crossover qui aura mobilisé tant de séries pour des tie-in à la qualité variable, ait besoin d'autant de numéros pour combler ses trous.

2 commentaires:

  1. Tout à fait d'accord avec toi. C'est que j'ai mis en plus rapide sur mon blog L'omnivers

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    1. Adrien (Préambule)26 mai 2012 à 08:08

      Je viens de lire ce que tu avais écrit, et effectivement on se rejoint sur presque tous les points.
      Après, je ne sais pas ce que tu penses de Fraction, mais je trouve un peu étonnant le fait qu'un auteur pas si efficace se retrouve à la tête de Marvel (il est pas tout seul, mais tout de même).

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