lundi 28 mai 2012

Greg Pak : sous le signe de l'émeraude, première partie

Derrière ce titre ô combien lyrique, se cache ma volonté de saluer Greg Pak, à l'occasion de la parution du Marvel Saga 14 qui regroupe les six derniers numéros de son run sur Hulk. Ce petit geste me tenait particulièrement à coeur, sachant que c'est avec son Planète Hulk que j'ai attrapé le virus du comics en général et du géant vert en particulier. En guise d'hommage, je vous propose de revenir en trois parties sur son long règne de cinq ans (2006-2011). 

I L'avènement du "Destructeur de Mondes" : Incredible Hulk #92-111, World War Hulk #1-5


Greg Pak récupère Hulk alors que le personnage vient de subir une des pires infamies de son histoire. Les puissants Illuminati (Dr Strange, Red Richards, Tony Stark, Professeur Xavier et Flèche Noire des inhumains) décident de régler la "question Hulk" une bonne fois pour toutes, et profitent d'une mission piège pour l'expédier au fin fond de la galaxie. Le plan des courageux protecteurs de la Terre prévoyait un exil sur une planète inhabitée pour apaiser le "monstre". Les voyages spatiaux étant ce qu'ils sont, Hulk débarque sur Sakaar, une planète aride et sanguinaire sous le règne totalitaire du Roi Rouge. Réduit au statut d'esclave-gladiateur, Hulk arpente les arènes plus enragé que jamais, et finit par détrôner son tyran. Le mérite du récit de Pak est double. D'une part il livre une intrigue efficace et jouissive aux nombreuses références, empruntant à Spartacus et surtout à Conan, dans une atmosphère guerrière et violente qui correspond parfaitement à l'état d'esprit d'un Hulk temporairement asservi. D'autre part, Pak a la géniale idée de prendre un contrepied total par rapport aux récits traditionnels qui caractérisent le personnage. En lieu et place de la thématique habituelle du monstre incompris, solitaire et simplet, le scénariste compose un Hulk à l'esprit vif, autour duquel se construit une fraternité soudée. Plus, le rejeté de la Terre s'érige au fil de ses combats en libérateur adulé pour devenir au terme de son périple un roi respecté et aimé par tout un peuple. Une transfiguration complète du personnage, et un choix scénaristique particulièrement payant d'occulter Bruce Banner pour livrer une psychologie singulière et plus fine de son alter-ego. Pak a compris quel était le potentiel de Hulk seul et le restitue admirablement. Planète Hulk est ainsi un condensé de dimension héroïque, de surpuissance titanesque et de tragédie grecque, puisque Pak conclut son récit sur la destruction de Sakaar et la perte pour Hulk de sa reine bien aimée. Un nouveau signe du cruel destin qui l'accable, le privant d'un monde qui l'avait accepté, lui, le guerrier étranger, pour celui qu'il était. Une thématique identitaire parfaitement maniée et qui sonne comme un réquisitoire sur cette capacité qu'à l'homme d'exclure ce qu'il ne parvient à comprendre.

Ce funeste coup du sort appelle vengeance, et pour Hulk, les coupables sont désignés : ce sont les "héros" qui l'ont exilé et qui sont responsables de l'explosion fatale à Sakaar. Accompagnés de ses frères d'armes, "Les Liés en Guerre", son retour sur Terre s'annonce particulièrement violent. Voici venu le fameux crossover World War Hulk, qui consacre un Hulk plus puissant que jamais, en mode "Destructeur de Mondes" au paroxysme de sa colère. Un certain nombre de bloggeurs ont souvent minoré la valeur de l'event. Soyons clair, WWH est un des meilleurs crossover qu'il m'ait été permis de lire. D'aucuns n'y voient qu'un empilement de bastons... Eh les gars ?! C'est un Hulk au top de sa rage, normal que ça ne fasse pas dans la dentelle. Et puis ça fait du bien de voir notre géant vert malmener ou carrément défoncer toutes les têtes à claques et autres poseurs de l'élite marvelienne : Wolverine, Flèche Noire, Red Richards, et surtout cet insupportable Tony Stark. Les gens ont aussi tendance à oublier que le récit de Pak se distingue par sa cohérence et son respect de l'univers. WWH est l'aboutissement somme toute logique de l'exil de Hulk, et sa conclusion rend honneur au retour du Héros qui détruit toutes les postures hypocrites de ses anciens camarades. Le crossover prend ainsi tout son sens dans les déficiences latentes du management superhéroïque. La gestion du cas Hulk est à ce titre le symbole criant de l'échec du projet Illuminati, Si les têtes pensantes s'étaient donné pour but de prévenir toute menace potentielle, ce sont finalement les Illuminati qui ont créé par leur série de choix contestables le "Destructeur de Mondes". Un habile renversement des rôles et des valeurs qui se dessine en filigrane de WWH et qui préfigure le marasme Secret Invasion.

Avec World War Hulk, un auteur est né. Greg Pak s'impose d'emblée comme un des scénaristes ayant le mieux saisi les multiples possibilités de Hulk avec des numéros de très grande facture. La désillusion sera grande pour les fans quand Jeph Loeb récupère le personnage et balaye tous les apports du run de son prédécesseur. L'amertume sera pourtant de courte durée. To be continued...

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