The Goon, T10
Contient The Goon #34 à 37 + An Irish Wake + The Goon's on Vacation
Avec la sortie du dixième tome par Delcourt, l'occasion était trop belle pour ne pas vous parler de ma série coup de coeur, The Goon, et son génial créateur, Eric Powell. Autre occasion pour vous parler de ma vie, puisque The Goon, quoique à l'insu de mon plein gré, m'avait permis de renouer avec le monde des comics. Un éloignement de plus de dix ans (ah qu'ils étaient loin les Strange de la prime enfance) et effacé sans mégarde par une critique dithyrambique d'un Mad Movies de 2005. Depuis, la passion avec le titre est toujours enflammée et c'est non sans une certaine fébrilité que je découvre les nouveaux tomes, caresse sensuellement la couverture cartonnée avant d'entrouvrir délicatement les pages afin de mieux pénétrer cette lecture torride. Voilà ça c'est pour Google. Plus sérieusement, The Goon est tout de même comparable à une histoire d'amour, voire au mariage. Et oui, la promise est belle, mais elle ne s'offre qu'au preux chevalier prompt à s'engager dans la durée. 10 tomes en 8 ans (ou 43 issues depuis 1999 pour les voistes) !! Si ça, ça s'appelle pas avoir de la patience, je ne sais pas ce que c'est. Bon l'avantage, c'est que chaque lecture est aussi orgasmique qu'un matin de Noël, et The Goon fait indéniablement partie de ces séries, à l'instar des meilleurs productions de Vertigo, où l'on n'est jamais déçu.
En revanche, si je vous parle du contenu de The Goon, l'aspect romantique que j'avance depuis le début de ce billet vous paraîtra suspect. La série est un melting pot improbable entre du western du type Pour une poignée de dollars, du fantastique à la Caravane de l'étrange, de l'absurde et des zombies. Et ce dernier point me semble important car The Goon a anticipé, initié, précédé (rayez la mention inutile) la mode zombie dans les comics, en tout cas a réintroduit le thème avant le blockbuster The Walking Dead, l'inégal univers Marvel Zombies et les ovnis du type Jesus Hates Zombies. Il est aussi assez difficile de définir ce qu'est The Goon, véritable, ovni du comics coincé entre la saga et l'empilement de sketchs. Certes il y a un fil rouge entre les différents numéros, mais un grand nombre d'épisodes fonctionnent aussi comme des one-shots, autant d'aventures débiles à la conclusion complètement déjantée ou consacrant à l'occasion un crossover impossible. Je sais que là encore je pèche par manque de clarté, mais il faut me comprendre. Regardez ce dixième tome qui met tour à tour en scène le gang des vampires scintillants et la monstrueuse fille pré-pubère, une foire aux monstres dégénérés, l'arrivée d'une stripteaseuse bisexuelle lubrique et vénale, un drame social dans une manufacture ouvrière, un vol de saucisses de Francfort puis l'arrivée de supers-héros qui se conclut par une baston générale dans Jungle Clodo, et enfin un épilogue philosophique sur l'attitude à adopter face à un gobelin nécrophage. Voilà, The Goon c'est tout ça !
Et pourtant je n'ai qu'un conseil à vous donner : lisez The Goon !!! Déjà parce que l'univers personnel d'Eric Powell n'est pas si chaotique et forme un ensemble bougrement intéressant. Eric Powell adore ses personnages, ça se voit, ça se sent et ça s'apprécie. Leur caractérisation est impeccable, leur background parfaitement travaillé. Mine de rien, il arrive à Powell d'être sérieux et de traiter avec un talent certain des failles humaines, des drames personnelles et des plaies ouvertures qui ne se refermeront jamais. The Goon est aussi un comics bourré d'action, avec son héros en gangster testostéroné qui parle avec ses paluches et distribue un nombre incalculable de bourre-pifs par épisode, et son sidekick aussi prompt à balancer des blagues salaces qu'à jouer de la sulfateuse. Mais surtout, The Goon est drôle. Non c'est pas tout à fait ça. The Goon est putain de drôle !! Voilà, là on est plus proche de la réalité. Concrètement c'est la seule série qui m'arrache de francs éclats de rire à chaque épisode de chaque tome. L'humour powellien est un délicieux mélange de pipi-caca régressif, de situations absurdes, de running joke hilarantes, de dialogues à la WTF, d'une immoralité absolue (ce qu'il fait faire et dire aux gamins...) et d'une irrévérence totale pour tout un pan de la culture populaire. Par exemple dans ce tome 10, vous saurez comment Powell réinterprète Twilight ou comment Bob Dylan vient à être ingurgité dans son univers. Vous aurez en outre des pages à se pisser dessus sur le monde du comics, Powell se jouant de tous les codes du super-héros : le nom ridicule, les tics artistiques des dessinateurs, les backgrounds débiles. Allez je ne peux pas résister à vous livrer à un passage un peu spoilant, mais ô combien révélateur de la tonalité qui vous attend à toutes les pages et cases de cette série géniale.
Franky : Qui a besoin de super-pouvoirs quand on a un fusil à double canon, sale renifleur d'étrons !!
The Goon : Et que ça te serve de leçon. Les bandes dessinées de super-héros sont pour les pédophiles racistes. Sois un homme. Pas un violeur de bébé judéo-mexicains !
Franky : C'est vrai. Lire des bandes dessinées de super-héros conduit à la solitude et à la virginité. La colère et la frustration sexuelle te feront haïr ton prochain et bander pour les enfants comme ces tordus de prêtres. Lire des BD décalées comme The Goon et Billy The Kid et la foire aux monstres (autre série d'Eric Powell, ndp) te donne l'air viril et intéressant et conduit à des tonnes de vagins. Des tonnes.
Il est certain que j'ai une tendance à l'hyperbole et au superlatif dès lors qu'une lecture m'enthousiasme. Il n'empêche que The Goon trône indéniablement dans mon hall of fame des comics tant il cumule les qualités : des personnages hauts en couleurs, une narration en béton, des dessins qui collent parfaitement à l'ambiance 30's/40's de la série, un humour ravageur et une auto-dérision permanente. Tout ce que demande le peuple, Powell le lui accorde, et au centuple. Chapeau bas ! Et cerise sur le gâteau, l'édition française est particulièrement soignée. Entre la traduction vraiment réussie, le cartonné et les bonus (croquis, variant covers), on ne peut que saluer le boulot effectué par Delcourt, qui tient là à mon avis, le véritable bijou de leur catalogue comics.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire