samedi 2 mars 2013

IL, de Derek Van Arman

Lorsque l'hiver s'attarde dans le Sud de la France et que de surcroît cette rentrée littéraire 2013 a bien du mal à vous emballer, deux solutions vous guettent : s'en remettre aux classiques ou bien s'enfiler un bon polar. Et pourquoi ne pas allier les deux grâce à Sonatine ? Alors certes, l'argument de vente du "Attention roman culte à l'auteur poursuivi par le FBI pour cause de roman trop réaliste" peut sembler un poil exagéré, mais ce n'est pas une raison de ne pas s'intéresser à Il, de Derek Van Arman, publié en 1992 aux Etats-Unis et jusqu'ici inédit en France.

Il se situe dans la tradition des romans policiers sur les tueurs en série. Derek Van Arman lui décide de faire les choses en grand en mettant en scène plusieurs tueurs en série en activité dans le même roman. C'est d'ailleurs une série de meurtres/disparitions dans l'Est des USA qui déclenchent les différentes enquêtes menées par Jack Scott, profiler en chef d'une cellule fédérale spécialement chargé des tueurs en série. Et là où Derek Van Arman va décidément plus loin, c'est qu'il ne se borne pas à guider le lecteur au prisme des seuls enquêteurs, mais nous offre aussi le point de vue des T-Recs (les tueurs récréatifs) en chasse de leurs victimes. L'écrivain brouille ainsi les statuts de ces personnages, les traqueurs devenant tour à tour les traqués. Difficile toutefois de vous offrir un résumé digne de ce nom car Il reste un roman particulièrement dense (plus de 760 pages) et que l'écrivain a manifestement décidé de soigner son intrigue et ses personnages, en brassant plus de 150 ans d'histoire autour d'une bourgade anodine. 

A propos de ces derniers, l'écrivain joue la carte de la sécurité notamment pour les policiers avec lesquels il compose un duo relativement classique du roman policier. D'un côté le fameux Jack Scott, vieil expert des tueurs en série, cultivé, ayant la sagesse de son âge. De l'autre Franck Rivers, policier d'état impulsif, grande gueule, réfractaire à toute autorité, mais tout aussi intelligent. Le maître et son improbable disciple, mais qui nouent au fil de l'enquête une relation où s'entremêlent affection, respect et amitié. Un type de duo relativement éprouvé, mais diablement efficace, notamment sous la plume de Van Arman très à l'aise avec son couple auquel le lecteur s'attache rapidement. Là ou il prend plus de risque c'est avec ses personnages de tueurs, en dépeignant leurs interactions spéciales, leur froide appréhension de leur environnement, tout en ne cédant pas à l'erreur de la "déshumanisation" à outrance.

L'univers d'Il est de fait un monde sombre, inquiétant, peuplé d'êtres dangereux aux connections troubles. Un univers d'autant plus oppressant qu'il côtoie sans prévenir celui des gens ordinaires et que le basculement de l'un à l'autre se fait sans transition, entraînant sans prévenir les innocents en enfer. Pas besoin de faire dans la surenchère de scènes gores, car Van Arman ne cède que très peu à l'artifice de l'hémoglobine, pour privilégier l'étude détachée des désaxés et de leurs psychologies anormales. Il faut aussi avouer Sonatine ne nous aura pas survendu son roman, car effectivement Il se pose comme une enquête particulièrement immersive du fait de la précision des techniques d'investigation et de ses descriptions soignées.

Vous l'aurez aisément deviné, Il est un très bon roman policier, qui satisfera sans aucun doute les amateurs du genre. Il fait même plus que remplir tranquillement son cahier des charges en prenant son temps et en s'intéressant en détail à chacun de ses personnages, pour proposer une enquête fouillée, convaincante et bien écrite.

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