dimanche 22 janvier 2012

L'extrait du jour : Nicolas Fargues

Bonjour à toutes et à tous,

les libraires Préambule ont manqué à toutes leurs obligations sociales en faisant fi des traditionnelles célébrations des fêtes de fin d'année. Qu'à cela ne tienne et nous en profitons pour vous souhaiter une excellente fin de  janvier.
En attendant notre rubrique/bilan des coups de coeur, je vous propose deux extraits du dernier roman de Nicolas Fargues "La ligne de courtoisie", relatant le cheminement d'un écrivain en perte d'inspiration professionnelle et familiale qui le conduit de Paris à Pondichéry pour un salutaire ressourcement. Roman sympathique sans être transcendant, il recèle de passages mordants où jaillissent l'esprif vif de l'écrivain. Tout de suite, le narrateur dresse un portrait lucide de sa progéniture, puis distille une réflexion intéressante sur la littérature américaine via le romancier Stephen King.

"J'étais bien forcé d'admettre qu'à dix-neuf ans, son bac obtenu grâce à de récents impératifs de clémence des jurys imposés par une Education nationale en proie à de sévères coupes budgétaires et ses cours de judo et de piano abandonnés depuis son entrée en phase 2 de l'échelle de Tanner de l'évolution pubertaire, mon fils n'avait toujours pas révélé de dispositions intellectuelles ou physiques notables. Soyons tout à fait franc : avec sa suffisance obtuse, avec pour unique source de culture générale et d'information le portail généraliste de son fournisseur d'accès à internet et les couvertures des gratuits du métro, avec son vocabulaire de bande-annonce commerciale pour compilation des tubes de l'été et sa prédilection écrasante pour le prêt-à-porter cintré et les téléphones intelligents, il incarnait un archétype assez convaincant du petit con d'époque".

"On voudrait croire en France que les colosses américains de la littérature procèdent de livre en livre selon la légendaire recette de la Ford T : un produit fiable, simple, pratique et bien huilé adapté à un public populaire qui en veut pour son argent, mais sans les nuances ni le raffinement de nos auteurs à nous, tellement plus tourmentés, tellement plus poètes, tellement plus philosophes, tellement plus stylistes. Or, dans Bag of Bones, non seulement Stephen King s'avérait un auteur à l'imagination sans fond, pathologiquement tourmenté, décrivant à grand renfort de métaphores inattendues et riches un visage austère d'épicier de village aussi bien qu'un lever de lune au-dessus d'un lac du Maine, mais il gratifiait par-dessus le marché son lecteur de réflexions sur la langue et le métier d'écrire avec une décontraction limpide dont les départements de lettres modernes de nos facultés à la condescendance facile gagneraient sans doute à s'inspirer pour escompter figurer un jour en meilleure position au sein du fameux classement de l'élite internationale des filières d'études établi par l'université Jiao-tong de Shanghai."



La ligne de courtoisie
Nicolas Fargues
Editions POL
15 euros

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