lundi 18 novembre 2013

Bad Ass, T1

Bad Ass, T1


Ecriture : Herik Hanna
Dessins : Bruno Bessadi
Colorisation : Gaétan Georges

Accordez-moi quelques propos liminaires, même si l’exercice est rébarbatif, avant d’entrer dans le vif de la critique. Samedi dernier, l’association A l’Ombre des Bulles (j’en profite à nouveau pour les remercier) avait organisé une séance de dédicace/dessins autour de Mahmud Asrar, dans l’antre de la Bédérie (que je remercie également) à Aix-en-Provence. S’était au dernier moment greffé à l’événement un local de l’étape  en la personne de Bruno Bessadi, Marseillais de son état. Avec l’effervescence de l’événement d’autant que le bougre m’a dessiné un sublime sketch de John Constantine, bref, je n’ai pas pu résister à l’achat du tome 1 de Bad Ass. Une modeste contribution  au soutien du French Comics autant qu’un petit geste de solidarité professionnelle. Cette introduction me permet donc de vous avouer dans quel état j’étais au moment d’ouvrir mon Bad Ass dédicacé, le capital sympathie évidemment au maximum. On pourrait croire que l’euphorie rime avec l’indulgence, mais comme pour les drogues dures, attention à la descente.

Place donc aux planches et à ses enchevêtrements de bulles lettrées. Comment vous résumer ce premier tome ? Bad Ass vous narre les aventures de Jack Parks, alias Dead End, un des meilleurs représentants de cette profession dont la mission est de nuire un maximum à son prochain. Pour donner vie à son assassin, Herik Hanna croise deux sous-intrigues : la première s’intéresse au massacre perpétuel auquel s’adonne le « héros » dans le présent, tandis que la seconde remonte dans la jeunesse lycéenne pour décrypter les origines du bonhomme (mais comment est-il devenu aussi méchant ?). Autant dire que le script fait dans le délibérément classique, puisque ce premier volume sert avant tout d’introduction à l’univers de la série en se concentrant sur son personnage principal avec qui il s’agit de tisser les indispensables liens empathiques. Hanna la joue by the book, et compose une trajectoire là encore très classique, qui amènera un jeune boutonneux marginalisé à la stature de bad ass ultime, un rêve sans doute partagé par bon nombre de lecteurs. Je reste évasif sur les tenants et les aboutissements d’une telle transformation au risque sinon de vous spoiler certains des développements les plus savoureux de la série.

Si vous ne suivez guère l’actualité du comics outre-Atlantique et que vous n’êtes pas familier avec le système des sollicitations, sachez que l’éditeur américain Dynamite Comics a acheté les droits de Bad Ass et publiera le premier numéro en janvier 2014. Bruno Bessadi nous avouait d’ailleurs que le big boss de Dynamite était extrêmement enthousiaste sur le titre et en assurait la promotion comme le digne héritier de The Boys (dont Panini vient de nous offrir l’ultime opus, snif). « Faudrait pas pousser mémé dans les orties, monsieur Dynamite », pourrait-on objecter, et l’on aurait tort de le faire. Les ponts entre les deux séries existent bel et bien, puisqu’Hanna partage avec Ennis cette même envie de parodier et de malmener par l’entremise d’un anti-héros l’univers des super slibards. A la différence que si l’aversion d’Ennis pour tout ce qui porte du spandex est notoire, on ressent en revanche un attachement réel pour la culture populaire du côté d’Hanna. Si ce n’était pas le cas, son petit bébé ne serait pas à ce point une œuvre postmoderne. Bad Ass est sinon une œuvre sous influence, au moins sous références. Sans en dresser une liste exhaustive, ce premier tome cite Batman, la JLA, Green Hornet, Spiderman, The Authority, sans vous parler des clins d’œil à Dirty Harry, Duck Hunt, au mecha, DBZ, NBA Jam ou encore Fist of the Blue Sky et le hentaï.

L’avalanche référentielle peut tout aussi bien caresser l’amateur dans le sens du poil que le noyer jusqu’au coma geekique. Le problème tient surtout à l’identité propre d’une série qui ne vivrait que par les modèles qu’elle cite pour compenser son propre vide substantiel. En l’état actuel, je ne porte pas une telle accusation contre Bad Ass, et lui laisse le temps d’installer ses propres codes. Je n’ai surtout pas envie de briser par un pinaillage exacerbé le réel enthousiasme offert par cette lecture. Le rythme est trépidant dès la séquence d’intro (un modèle de transgression jouissive), on ne respire quasiment jamais, à l’exception de certains flahsbacks un poil plus posés. Il faut surtout saluer l’humour d’un auteur à la plume corrosive qui parvient parfaitement à exploiter notre patrimoine argotique. Il faut bien avouer que la série mérite bien son nom car rarement on n’aura vu une telle grande gueule enchaîner les punchline avec la régularité d’un AK47. Je ne peux évidemment pas taire l’apport artistique de Bessadi dont on sent qu’il s’éclate avec Bad Ass. C’est craspec quand ça doit l’être, c’est boobesque quand ça doit l’être également et ça assure les scènes d’action avec le dynamisme nécessaire. La maturité du titre est assumée visuellement et ça, ça fait vraiment plaisir.


Je n’ai donc que des bonnes choses à écrire sur ce premier tome. Je pourrais insister sur les petits défauts ici et là, mais ne boudons pas notre plaisir. Bad Ass vous procurera un intense moment de lecture et vous donnera la banane toute la journée. Vraie bonne série ou plaisir coupable ultra-référencé, l’avenir le dira. En attendant, soutenir le French Comics n’est pas une chose difficile quand la qualité est à ce point au rendez-vous. 

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