Histoire de me changer les idées, et accessoirement de combler une de mes nombreuses lacunes dans le domaine du roman policier, je vous propose aujourd'hui de nous intéresser aux Anges de New-York, de l'américain R.J. Ellory, publié récemment chez Sonatine.
Commençons donc par les fondamentaux du polar : les personnages et l'intrigue. Ellory construit l'essentiel de son roman autour de l'inspecteur du NYPD, Frank Parrish, 44 ans. Archétype du flic sévèrement dans la merde, il cumule tous les problèmes : divorcé désormais célibataire, relations, ex-femme qui le déteste, sa fille n'est pas toujours réceptive à ses attentions particulières, son partenaire vient de se faire tuer et pour couronner le tout il est également sur la sellette dans son travail après quelques entorses au règlement de la police. Pour le moins placé sur la corde raide, Parrish récupère alors une affaire de double-meurtre. Obsédé par le visage de la jeune victime de seize ans qui hante ses rêves, il se jette corps et âme dans le travail pour ce qui ressemble fort à un baroud d'honneur. Flanqué d'un nouveau coéquipier, imposé par ses supérieurs qui cherche à le recadrer, son enquête prend une nouvelle envergure lorsque Parrish fait le lien entre son affaire et une série de meurtres non-élucidés de filles du même âge. En parallèle, notre protagoniste se retrouve confronté à la figure paternelle, l'inspecteur John Parrish la légende des "Anges de New-York", le groupe anti-mafia qui a fait l'honneur du NYPD. Au cours de séances imposées avec une psychologue de la police, il règle ses comptes avec l'image publique de héros de son père décédé, et révèle l'histoire sombre de la corruption de l'ensemble des forces de l'ordre et de tous les mauvais coups dans lesquels son géniteur était impliqué.
Les Anges de New-York est typiquement le genre de polar qu'il m'est difficile de commenter, en bien comme en mal. Il illustre à merveille cette catégorie d'écrivains dont on dit "ils font le job". Tout est efficace à commencer par Frank Parrish en inspecteur attachant, à la fois perdu et compétent, héritier des dinosaures qui sont de moins en moins adaptés à un système trop procédurier qui les frustre. L'intrigue aussi est bien ficelée, ayant son lot de rebondissements savamment dosés pour maintenir en haleine le lecteur en manque de suspense. La langue, comme souvent chez les Américains, est crue et colle parfaitement à l'ambiance relativement désenchantée. Les parenthèses sur l'histoire de la mafia new-yorkaise sont autant de compléments riches et détaillés qui rajoutent une dimension "historique" bienvenue. Tout est efficace, mais rien n'est transcendant non plus. Quand bien même Ellory effleure la thématique de la pédophilie et des snuff movies, le top de la saloperie humaine il faut bien l'admettre, le roman reste relativement édulcoré dans son traitement, l'écrivain restant souvent évasif sur ces atrocités. Non pas que je sois absolument friand d'un voyeurisme absolu, mais on sent que Ellory s'est quelque peu bridé au moment de plonger dans les mécanismes les plus sombres et effrayants que le sujet permet. Même critique pour ce si beau titre, Les Anges de New-York, in fine un peu mensonger. S'il fait (peut-être) référence au chef d'oeuvre de Sydney Lumet, Les Princes de la Ville (et pas Serpico, hein Sonatine !), il ne fait là-aussi que survoler ce chapitre honteux de l'histoire du NYPD, et n'atteint jamais le traitement mythique de son pendant cinématographique. D'une part, les retours dans le passé ne sont pas aussi exhaustifs et poussés qu'on aurait pu le souhaiter. D'autre part, et c'est plus dérangeant, ils ne servent absolument à rien dans l'évolution psychologique de Frank Parrish qui se charge pourtant de l'autopsie mémorielle, et ne font pas écho à ce qui se déroule dans le présent. Le problème donc avec ces "Anges de New-York", c'est qu'ils ne planent pas sur le roman.
Les Anges de New-York est en quelque sorte le produit standard de la littérature polar nord-américaine, ou le creux de la vague dans l'inévitable bibliographie en dents de scie d'un auteur pourtant renommé. Efficace, ni plus ni moins. Cependant, il ne faudrait pas non plus oublier que même une oeuvre mineure d'un Américain doué restera largement supérieure à la tripotée de romans qui inondent les rayons des librairies. Les amateurs du genre qui en veulent pour leur argent (pour qu'une fois qu'on a un polar qui dépasse les 500 pages), sans trop être déprimés à la fin de leur lecture, trouveront donc largement leur compte dans ce roman, somme toute bien écrit et accrocheur.
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