Nouveau billet, et nouvelle
critique des comics liés à l’univers des New 52 depuis le relaunch de septembre
dernier. Alors, cette fois-il faudra être un peu plus spéculatif et imaginer
que les séries que je vais aborder seront effectivement éditées en librairie
par Urban comics (François Hercouët avait d’ailleurs plus ou moins lancé des
pistes lors des premiers entretiens qu’il avait accordés). Je traiterai donc
d’Aquaman, Batman : The Dark Knight et d’Action Comics.
Aquaman (#1-6)
Ah…Aquaman ! Dans mon esprit
Aquaman restera toujours plus ou moins lié au préservatif dans une fameuse
scène du film 40 ans toujours puceau. Enfin disons qu’il part d’assez loin, et
que le grand architecte de l’Univers DC, Geoff Johns, avait fort à faire avec
le personnage. Il faut cependant confesser que Johns témoignait d’une sympathie
assez forte pour Aquaman dans l’event Brightest Day, qui agissait déjà comme
une réhabilitation, et qu’Aquaman règne sur une énorme partie du monde dans l’univers
parallèle Flashpoint.
L’histoire d’Aquaman démarre à
Amnesty Bay alors qu’Aquaman et Mera vivent une vie de couple paisible dans une
coquette maison isolée sur une falaise. Une menace (sous-marine évidemment)
guette les habitants du village lorsque
des créatures à l’origine inconnue se ruent sur eux, pour les dévorer ou les
enlever. Alerté par l’adjoint du shérif, Aquaman et Mera mènent l’enquête et
partent à l’assaut de cette espèce belliqueuse. Cette partie du récit concerne
les numéros #1-4, les deux autres sont plutôt consacrés aux conséquences de ce
qui a été découvert sous les mers, et sur les causes réelles de la disparition
d’Atlantis. Le récit de Johns est composé de plusieurs thématiques, la première
étant liée à la dimension héroïque d’Aquaman. Johns joue habilement avec le
manque de réputation du personnage auprès du lectorat, pour en faire héros
raillé, ignoré par la population normale, aussi bien ignorante de sa mythologie
intrinsèque (le coup de la ceinture) que le nom de sa femme (que tout le monde
ne cesse d’appeler Aquawoman). Ce récit œuvre donc comme une réhabilitation
totale du personnage puisque Johns doit aussi bien convaincre le lecteur que
les acteurs d’Amnesty Bay. Cependant Johns ne se contente pas seulement de ça,
car il lie l’impopularité d’Aquaman à une quête identitaire plus profonde.
Aquaman et Mera sont deux personnes qui ont fui leur destinée, et ont fait vœu
de protéger un monde auquel ils n’appartiennent pas et qui ne les acceptent pas
entièrement. Entre le monde de l’eau et celui de la terre, leurs âmes balancent
et sont continuellement questionnées, et Johns transcrit admirablement ce fil
du rasoir sur lequel les protagonistes sont placés.
Au niveau du dessin, rien à
redire, les planches de Reis et Prado sont magnifiques. C’est classique, du
moins ça reste dans les canons actuels des productions DC, mais c’est détaillé
et beau. Les poses iconiques sont sublimes, comme les effets d’eau du pouvoir
de Mera, donc c’est un sans-faute.
En conclusion, Johns signe ici
une série qui est tout simplement excellente. Je n’attendais rien du
personnage, mais le travail est là, et l’empathie joue à fond avec notre couple de
héros. Il est vraiment intéressant de constater la capacité de Johns à livrer
des séries solides et à varier les différents univers de la maison DC. La seule
chose que l’on puisse espérer, c’est qu’il reste aussi longtemps sur Aquaman que
sur Green Lantern.
Batman : The Dark Knight
(#1-6)
La série BTDK est assez récente,
puisque ce nouveau titre a été lancé peu après le Batman : Incorporated de
Grant Morrison. son premier arc narratif est d’ailleurs actuellement disponible
en version française chez Urban Comics sous le titre Batman : la nouvelle
aube. Sachant que ce même éditeur exclue ce titre de son futur magazine Batman
Saga, je me disais qu’il serait intéressant de savoir ce qu'il valait.
L’histoire est assez classique.
De nombreux prisonniers d’Arkham se sont (encore) échappés, et il revient au
détective masqué de se lancer sur leurs traces. Sa surprise est d’autant plus
grande qu’il se rend compte que chacun des super-vilains qu’il rencontre est
drogué par un anabolisant développant de manière monstrueuse leur musculature
tout en accentuant leur déséquilibre mental. Jenkins a pris d’ailleurs le parti
d’orchestrer tout un récit sur la peur, que ce soit via la drogue qui révèle
les obsessions les plus enfouies des super-vilains, que dans les rapports
qu’entretient Batman avec elle. Il a d’ailleurs recours à beaucoup de
monologues intérieurs de Batman, autant de dissertations sur la notion de peur
et sur la place qu’elle a occupée dans sa trajectoire individuelle d’orphelin
devenu héros. Toutes les critiques que j’ai pues lire sur BTDK ont été
catastrophiques, pointant à chaque fois la nullité d’un scénario qui ne
comprend rien à Batman et traite par-dessus la jambe son intrigue. C’est un peu
exagéré selon moi. Sans être transcendant et souffrant de la présence d’un
surdoué sur la série phare (Scott Snyder), l’histoire n’est pas forcément
désagréable. C’est un all-star Batman, avec une galerie fournie en nemesis,
mais aussi en alliés avec l’apparition de Flash et de Superman. On retrouve
ainsi la présence d’éléments, certes peu originaux mais relativement efficaces,
de l’univers Batman (les toxines d’Ivy ou de Scarecrow, la haine de Bane) qui
font somme toute passer un bon moment de lecture.
Le site Comicsblog lui avait
attribué la sévère note de 2,5/5, en tenant uniquement compte des dessins. Car il
est vrai que l’art de Finch est sacrément beau. Un dessin très fin, un
character-design très efficace (notamment sur les méchants bodybuildés), une
attention très particulière aux formes avantageuses de la gente féminine
(notamment une White Rabbit en mode cosplay Playboy), sont les points forts du
pinceau de Finch. Le rendu des scènes d’action est donc très convenable, et
compense en partie le manque d’originalité du scénario.
Batman : The Dark Knight,
n’est certainement pas la meilleure série des New 52, et peut-être que cela
refroidira les ardeurs d’Urban pour une publication vf. Cependant je ne pense
pas que ce soit une purge totale, et je dois même avouer avoir préféré ces six
premiers numéros à Batman : la nouvelle aube. Pour les lecteurs au budget
modeste, je leur conseille de faire l’impasse, mais pas forcément pour les
afficionados de Batman, d’autant que BTDK sera aussi mêlé au cross-over sur la
Cours des Hiboux.
Action Comics (#1-6)
Après avoir officié si longtemps
sur différentes séries de Batman, Grant Morrison profite du relaunch de la DC
pour s’attaquer à un autre mastodonte, Superman. Avec un nom si prestigieux sur
une série qui a rapidement conquis l’Amérique, il serait étonnant de ne pas
voir Urban comics la proposer dans les rayons des librairies françaises.
Action Comics est une série un
peu particulière puisque elle se déroule cinq ans avant dans le continuum de
l’univers DC. Il est donc question d’un Superman plus jeune, qui a quitté
Smallville depuis quelques temps, puisque Clark Kent est déjà un journaliste
dans le Daily Star, concurrent du Daily Planet dans lequel il officiera plus
tard et rejoindra Lois Lane ainsi que son ami Jimmy Olsen. Les quatre premiers
numéros s’attachent sur la question de la publicisation d’un super-héros, et
sur les conséquences sociales, éthiques et sécuritaires que cela implique.
Superman se révèle au monde, et loin des lauriers qu’il est censé recevoir,
subit une sévère chasse à l’homme, affronte les mécontentements d’une
population qui n’est pas prêt à ce genre de défi, tout en la défendant d’une
menace cosmique. Grant Morrison varie de manière jouissive les genres et
distille les premiers éléments du passé dramatique de Kal-El qui ignore encore
tout de son passé et de ses origines. C’est également l’occasion d’introduire
son plus grand ennemi, un Lex Luthor aussi dénué de scrupules que dangereux.
Les deux autres numéros mettent en scène la Légion des Super Héros et le
Superman du futur dans un imbroglio spatio-temporel autour de la navette
spatiale qui a amené Kal-El sur Terre. Il s’agit ici de protéger le passé d’un
jeune Superman qui n’est pas à son plein potentiel, et en amenant la Kryptonite
comme artefact fondamental à la fois de sa survie que de la découverte de son
passé et de son héritage. Un mini-arc plus exigeant pour mon anglais imparfait
(ce qui est généralement récurrent aux scénarios plus complexes de Morrison),
mais qui se raccorde à l’idée d’un Superman qui n’a pas encore tous ses pouvoirs
et qui doit peu à peu prendre conscience de sa surpuissance et des
responsabilités que cela implique. Des passages souvent obligés dans la
gestation archétypale, mais que l’on se régale de (re) découvrir. Il faut
ajouter que l’on retrouve à la fin des numéros des mini-récits sur la jeunesse
des Kent, souvent empreint d’une nostalgie poignante qui sert bien la série.
Au niveau du dessin on
retrouve Morales et Bryant sur les
quatre premiers numéros, pour un rendu souvent très correct. Certaines cases (surtout
dans le premier numéro) sont absolument somptueuses, c’est plus variable dans
les autres, surtout au niveau de
l’expression faciale de certains personnages (Lois Lane a parfois de
très vilaines moues, sans que l’on sache si c’est intentionnel de la part des
dessinateurs). Ensuite on retrouve le grand Andy Kubert, pour un résultat
classique, à savoir très correct mais rarement transcendant. Moins aléatoire
que Morales et Bryant, mais je trouve cela parfois vraiment en deçà. Pour les
mini-récits, la qualité du dessin chute sensiblement, mais sans que cela nuise
à la lecture, puisque les dialogues compensent largement les défaillances
graphiques.
Action Comics est selon moi une
très bonne série que l’on se doit de se procurer, soit dès à présent en vo en achetant les
premiers numéros disponibles ou en attendant le premier TPB. Nul doute qu’Urban
publiera cette série, tant sa qualité est évidente, habile mélange d’éclat
héroïque, d’interaction humaine et de réinterprétation de la mythologie du
kryptonien le plus célèbre du monde des comics.
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