Saga, Tome 1
contient Saga #1-6
Cela faisait longtemps que je comptais lire Saga, teasé et reviewé par nos confrères de Comics Blog ou d'Arkham Comics. J'avoue avoir un certain capital sympathie pour l'auteur de Y, Le Dernier Homme ou encore des Seigneurs de Bagdad, alors quand le bonhomme sort sa série chez Images, avec toute la liberté que cela suppose, cela titille encore plus mon intérêt. Ayant longtemps hésité entre la vf et la vo, c'est finalement la rencontre/signature avec Yanick Paquette à Aix-en-Provence qui m'a fait acheter l'édition d'Urban. Et oui, il fallait dépenser quelques euros pour accéder au dessinateur québécois, et c'est donc avec un tome de Saga en plus dans ma besace que j'ai quitté la librairie la Licorne.
Toute cette attente en valait-elle la peine ? Comme c'est un peu le cas dans mes dernières critiques, j'ai tendance à faire un détour avant de plonger à proprement parler dans la chronique du tome dont il est question. La parenthèse du jour concernera les rapports entre comics et SF. Après avoir scanné ma (modeste et essentiellement 00's) bibliothèque, je me rends effectivement compte que la Science-Fiction est in fine un genre minoritaire, du moins dans mes lectures. Si j'exclus l'excellent Fear Agent de Remender (et ruez-vous sur l'édition d'Akileos), mon stand-alone Ocean de Warren Ellis, et mes quelques fascicules de Prophet ( série prochainement publiée dans la même collection que Saga, Urban Indies), cela fait maigre. Pour être honnête il faudrait aussi écarter toute la production mainstream de DC ou Marvel qui tape allègrement dans la SF, mais dans un versant largement plus "boum boum force verte, kadaboum force jaune" ou encore "ôte tes fesses quantiques que j'y mette ma faille multiversalo-temporelle". Et pour parfaire le tableau, il faudrait aussi enlever les adaptations de franchise dont Star Wars est un bon exemple. Pour résumer, admettons donc que les productions originales, matures, de Science-Fiction type Space Opera ne sont donc pas légions dans le panorama actuel des comics.
Clairement, Saga s'engouffre dans ce créneau. Bienvenue dans une galaxie dont on se demande si c'est la nôtre, avec des créatures humanoïdes avec mutation (cornes, ailes) voire mi-cybernétique (la caste dirigeante des robots), sa technologie avancée, mais aussi son côté fantastico-magique. J'aime beaucoup la manière dont Brian K. Vaughan introduit son univers autour d'une intrigue mêlant romantisme et survival. La comparaison a déjà été avancée ailleurs, mais il est vrai qu'il y a du Roméo et Juliette dans le couple Marko/Alana, deux représentants des races qui s'affrontent et s'entretuent sur cette planète. Plus précisément, nous avons une version de Roméo et Juliette qui ne se seraient pas suicidés et qui viennent d'avoir un enfant (le comics s'ouvre d'ailleurs sur une belle scène d'accouchement). Forcément le métissage est proscrit, et les deux races belligérantes se mettent à la poursuite du couple, que ce soit directement, ou par le biais de dangereux mercenaires, les Indépendants. Comme toujours avec les récits de traque, ce premier tome de Saga a un rythme trépidant, Vaughan multiplie les twists et place souvent ses protagonistes sur la corde raide. L'instinct de survie rehaussé par le statut de la parenté est parfaitement retranscrit, quand bien même le lecteur se doute de l'issue des péripéties. Le scénariste a en effet fait le choix, payant à mon avis, d'une voix-off en la personne de Hazel, fille d'Alana et Marko, commentant depuis le futur la période mouvementée suivant sa naissance. Cette voix rajoute un brin de distance, et s'apprécie comme une respiration salutaire dans les développements qui vont à cent à l'heure, le scénariste ne frustrant jamais le lecteur sur son quota d'action.
Saga ne serait toutefois qu'une série sympathique si son seul mérite se cantonnait à une succession haletante de péripéties. La force de Brian K. Vaughan est à mon avis ailleurs. A travers la fuite de Marko/Alana/Hazel, l'écrivain laisse entrevoir son univers et ses caractéristiques, que ce soit cette guerre interstellaire, ou la présence d'éléments magiques, prophétiques, ou encore l'équilibre politique précaire entre les différentes composantes de la galaxie. Je dirais même que le lecteur a cette sensation de ne cerner qu'une infime parcelle d'un univers dont les potentialités sont proprement impressionnantes. Une impression de vertige hautement appréciable et extrêmement prometteuse sur la suite de la série. Un petit mot sur les dessins et l'édition. Je ne suis pas familier du trait de Fiona Staples. Ce n'est peut-être pas le style dont je raffole le plus, mais son côté épuré colle finalement plutôt bien à la tonalité résolument mature de la série. Fiona Staples transcrit aussi bien la violence crue que les envolées poétiques de Saga. En somme, on sent bien que la guerre c'est moche, et qu'un arbre féérique c'est beau. A propos de l'édition d'Urban, il m'est difficile de comparer avec la vo. Par contre il est certain que le lecteur économe pourra hésiter le rapport entre le TP et la version Urban étant presque du simple au double. De mon côté je ne regrette absolument pas mon achat. J'apprécie ce format légèrement plus grand que les TP quoique plus petit que le Deluxe. Entre ça et la traduction, il est indéniable que l'on gagne en confort de lecture pour une série qui fonctionne avant tout sur son écriture. Je serai très content de continuer l'aventure avec cette version française, le cartonné rajoutant un cachet que le TP n'a pas.
Vous l'aurez encore compris, le contrat est rempli. Nous tenons avec ce premier tome l'introduction quasi-parfaite pour l'oeuvre de SF ambitieuse et entraînante que Saga se promet d'être. Il ne reste plus qu'à espérer que la série mérite effectivement son titre. En tout cas saluons la vista d'Urban Comics qui régale une nouvelle fois le lectorat francophone, et qui, piano piano, se construit une belle collection Indies.
Critique agréable à lire mais je trouve assez étrange de ne pas revenir du tout sur ce qui est, à mon sens, la grande force du titre, c'est à dire la caractérisation des personnages, tous très humains dans leurs comportements, et les dialogues très bien écrits et très drôle. C'est ce qui fait aussi le charme de cette série, sa galerie de personnages attachants et un peu maladroits, et l'humour très présent tout au long des 6 épisodes.
RépondreSupprimerC'est pas faux. C'est tout un pan du volume que je n'ai pas traité et qui est effectivement assez présent. Maintenant je ne conseillerais pas d'acheter Saga pour son humour (même si j'adore les dialogues du prince), car ce n'est pas le but premier de Vaughan (enfin j'imagine). Idem pour la caractérisation des personnages. Je n'ai pas été saisi par la relation Marko/Alana ni par la teneur de leurs échanges. Disons que j'ai été moins pris par ce décalage d'une caractérisation banale dans un environnement extraordinaire.C'est un chapitre introductif donc il y a beaucoup de suggéré que ce soit sur la naissance de l'amour entre Alana et Marko et même entre la Traque et le Testament. J'attends par contre beaucoup des prochains tomes pour complexifier tout ça. Et le twist final me fait dire que ce sera forcément le cas.
SupprimerMais le fait que nous ayons eu deux impressions finalement très différentes sur ce qui primait dans Saga montre que la série joue dans la cour des grands.